publié le 3 mai 2015, 09:51 par Achat Public
Nous exposions en novembre dernier (voir article Clause exorbitante et résiliation unilatérale du marché par le titulaire)
la possibilité offerte au titulaire d'un marché, lorsque cela est prévu
au contrat, de résilier unilatéralement un marché public sous certaines
réserves. Pour rappeler brièvement les faits, le " Musée des civilisations de
l'Europe et de la méditerranée " (Mucem), et la société Grenke location
avaient conclu, le 10 avril 2008, un contrat par lequel la société
Grenke location s'engageait à acheter auprès d'un fournisseur désigné
cinq photocopieurs pour les donner ensuite en location au Mucem pour une
durée de soixante-trois mois moyennant un loyer trimestriel de 5 563
euros. Le Mucem ayant cessé de régler les loyers trimestriels dès le 27
mai 2008, la société Grenke location a résilié ce contrat, en
application de la clause prévue à cet effet et a demandé le versement de
l'indemnité de résiliation contractuellement prévue ainsi que la
restitution des matériels. En effet, la personne publique avait signé
les conditions générales de ventes qui prévoient classiquement la
possibilité de résiliation du fournisseur en cas d'impayé ainsi que le
paiement d’une indemnité et la restitution du matériel. Le Conseil d'Etat avait jugé dans cette affaire qu'il
était loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour
objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le
cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de
méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles . Le juge avait néanmoins rendu nécessaire l'information préalable
de la personne publique afin qu'elle puisse s'opposer à la rupture des
relations contractuelles pour un motif d'intérêt général.
Un arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Nancy en date du 2 avril dernier (14NC01885) applique cette jurisprudence à un cas similaire sauf que la société Grenke
location était cette fois-ci face à la commune de de
Neuville-Saint-Rémy. En l'espère, la Cour administrative d'appel a jugé
que :
- la commune a cessé de payer les loyers dus à la
société Grenke Location en vertu du contrat en litige, après l'échéance
du 1er octobre 2007;
- la commune ne précisait pas en quoi le photocopieur en cause était
indispensable au fonctionnement des services publics qu'elle assurait;
- la société Grenke Location a mis la commune en demeure de lui régler les
loyers qu'elle lui devait en précisant qu'à défaut de paiement elle
résilierait le contrat en application de l'article 13 alinéa 2 des
conditions générales du contrat, ce qui contraindrait la commune à payer
immédiatement les loyers à échoir et à restituer le matériel ainsi que
le prévoyait l'article 15 des conditions générales du contrat de
location;
- la commune de Neuville-Saint-Rémy a été mise en mesure de s'opposer à la
rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général
avant la résiliation du contrat. Elle n'a opposé aucun motif d'intérêt
général à la société Grenke Location avant la résiliation. En
conséquence, la résiliation du contrat prononcée par la société Grenke
Location, qui entrait dans le cadre de l'article 13 des conditions
générales du contrat, était régulière.
En conséquence, le juge a condamné la commune de Neuville-Saint-Rémy à verser à la société Grenke
Location l'indemnité de résiliation contractuelle d'un montant de 12
600 euros, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter
du 24 juillet 2009, date de réception de la lettre de résiliation. Ainsi, l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat n'est pas sans conséquences financières pour les entités publiques et nécessite de mettre en oeuvre certaines actions pour se prémunir de ses effets. Nous dressons ainsi plusieurs recommandations: - il
n'est pas recommandé de signer les conditions générale de ventes ou de
location mais de demander l'application des CCAG ou, de conditions
générales d'achat (CGA) conçues par vos services (voir notre modèle de CGA- réservé aux abonnés afin d'éviter ce type de situation);
- il
faut a minima demander la suppression des clauses permettant ces
modalités de résiliation unilatérale et être particulièrement attentif à
toutes les clauses de pénalités, indemnités pouvant jouer à votre
égard;
- nous recommandons de recenser tous les contrats comportant ce type de clause dans votre
entité afin d'identifier les risques achats et juridiques (notamment concernant les indemnités afférentes) et d'anticiper les sorties
de contrat;
- S'il existe des contrats de ce type dans votre
entité, il convient, lors de la mise en demeure, d'opposer un motif
d'intérêt général fondé juridiquement
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